Une analyse politique précède l'exposition du chemin paisible-évolutionnaire. Elle examine les effets d'une façon de penser appelée la rationalité égocentrique sur les fondements biologiques et sociaux de l'humanité. Cette mentalité est intimement liée au capitalisme et à notre nature humaine. Elle cherche, dans une situation donnée, à obtenir l'avantage le plus grand et à court terme. Elle prévaut actuellement sur cette planète et conduit à un comportement concurrentiel accentué. En plus, elle polarise et incite à piller et à exploiter les ressources vitales de l'humanité.
Les apparences laissent croire que cette rationalité permet à l'individu de bien gérer ses intérêts. Pourtant, son raisonnement exclusivement basé sur la logique aristotélicienne s'avère de plus en plus faux, en particulier dans un contexte complexe ou dynamique. Ces failles s'appellent les dilemmes sociaux (angl. social dilemmas).
Guidé par une rationalité égocentrique, ne voyant que son avantage à court terme, l'homme n'inclut pas dans sa réflexion le pôle opposé, c'est à dire l'autre, le collectif, le désavantage et le long terme. Ainsi, il ne perçoit pas les effets déclenchés par ces facteurs, capables de ruiner son opinion. Et quand cela se produit, au lieu de l'avantage visé, il est en face d'un résultat qui nuit à lui-même, autant qu'à la société.
Les plus connus de ces failles sont le dilemme du prisonnier, le dilemme de participation (angl. public goods dilemma, alld. Beitragsdilemma) et le dilemme d'usage (alld. Nutzungsdilemma). Ils surviennent lorsque la rationalité égocentrique s'attaque aux biens communs et aux fondements biologiques et sociaux de l'humanité. Quand l'impact est suffisamment fort, les ressources non protégées se dégradent, telles les grandes zones de pêche en mer. Sur le plan social, les rapports humains se détériorent, et les collectivités deviennent incapables de gérer correctement leurs affaires. Ces dégradations nuisent à tous, mais aussi à l'individu égocentrique quand il rentre au port avec une maigre pêche, ou qu'il doit subir une ddes multiples formes de l'insécurité sociale. À ce stade, il n'obtient plus aucun avantage, mais par contre, il est confronté à bien des rebondissements imprévus.
Ces failles se révèlent également au travers d'autres grands problèmes de notre temps, par exemple l'émergence du problème de l'émission des gaz à effet de serre, les dérives récurrentes du secteur financier, l'érosion des ressources biologiques ou la dégradation des rapports humains dans la vie de tous les jours. L'analyse effectuée montre en plus que la rationalité égocentrique n'est pas capable de se protéger de tels effets néfastes et de sa « suboptimalité », expression scientifique pour décrire ce dérapage cognitif. La crise actuelle est aussi une crise de cette façon dominante de penser ; et les transformations nécessaires pour réussir ce gigantesque processus d'adaptation qui s'impose aujourd'hui, englobent aussi notre façon de structurer cognitivement les données.
Cette analyse effectuée aboutit à trois questions-clés. Si l'humanité ne veut pas courir le risque d'un échec annoncé, tout projet prétendant répondre aux exigences de la crise actuelle doit y apporter des réponses bien fondées.
La première question se réfère aux rapports humains. Est-ce qu'il y a des attitudes plus attractives que celles basées sur la rationalité égocentrique et capables d'engendrer un système informel d'autogestion pour prévenir les abus de pouvoir et les prises d'influences, véritables fléaux actuels ? Tant que ce problème reste irrésolu, les acteurs, munis d'une rationalité égocentrique, font valoir leur influence pour s'imposer, pour imposer leurs intérêts et empêcher des changements nécessaires. Sans attitudes alternatives et attractives, ils s'accrochent à leur état d'esprit et restent convaincus que ce monde se pliera à leur vision au-delà de toute forme d'effondrement.
La deuxième question-clé se réfère aux dilemmes sociaux. Dans ces situations, la rationalité égocentrique ne saisit qu'en partie le contexte complexe ou dynamique. Son attention se concentre surtout sur elle-même et ne prend en compte que les conséquences à court terme. Les intérêts des autres ne sont pas pris en compte, les intérêts collectifs sont totalement ignorés, et les conséquences à moyen et long terme sont masquées. Dans de telles situations, sa façon de ramasser les informations et leur traitement, s'avère être défectueuse. Pour cette raison, ce « traitement de l'information » entraîne souvent des effets désastreux, tant sur le plan individuel que collectif. La deuxième question-clé peut être formulée ainsi : Comment s'assurer que les aspects cruciaux de la situation seront perçus et leurs connexions comprises avant qu'une décision soit prise ?
Tertio : Après 250 années d'une démarche promettant le bonheur par le progrès, l'humanité est arrivée à un terme. Mené par la rationalité égocentrique, ce projet historique, qui aspirait au bonheur par un bien-être matériel, a engendré des rétroactions énormes, par exemple des sociétés fragmentées, des ressources biologiques dégradées et des phénomènes fortement préoccupants de dégénérescence de l'espèce humaine. L'humanité est arrivée à un point crucial de son histoire. Elle doit se protéger contre toute sorte de rétroaction non considérée, aggravant sa situation. À cela se réfère la troisième question-clé : Comment s'assurer qu'un projet proposé pour sortir de l'impasse contemporaine ne déclenche pas de rétroactions détériorant encore plus la situation de l'humanité ?
Le chemin paisible-évolutionnaire répond aux trois questions-clés, c'est là sa raison d'être d'un point de vu occidental.
Pour plus de détails voir Les dilemmes sociaux